Les enjeux du projet de loi PACTE pour les entreprises

Adopté en première lecture par l’Assemblée Nationale le 9 octobre 2018, le projet de loi relatif à la croissance et à la transformation des entreprises (Loi « PACTE ») 2018, le cabinet d’avocats MATHIEU DABOT BONFILS revient sur les enjeux et modifications majeurs envisagés par ce texte de 73 articles. Prochaine étape : son passage devant le Sénat en janvier 2019.

Droit des sociétés

En bref : le projet de loi PACTE prévoit de nombreuses innovations en droit des sociétés et des marchés financiers. La société devrait ainsi être gérée dans son intérêt et en tenant compte des nouveaux enjeux sociaux et environnementaux de son activité. De plus, celle-ci pourrait même être dotée d’une « raison d’être », si une clause statutaire le prévoyait.

Le texte prévoit, en effet, que toute société devra être gérée dans son intérêt et en tenant compte des enjeux sociaux et environnementaux de son activité. À priori, une décision sociale prise en violation de ce texte pourrait ainsi être annulée.

Par conséquent, il appartiendra aux dirigeants d’être particulièrement attentifs à ces questions, sous peine de voir leur responsabilité engagée. Toute action en responsabilité pour absence de prise en considération de ces enjeux continuerait de répondre aux conditions de responsabilité prévues par le droit commun des sociétés à savoir l’existence d’une faute, d’un préjudice et d’un lien de causalité entre les deux. Toutefois, la seule constatation d’un dommage social ou environnemental ne suffirait pas à mettre en jeu la responsabilité d’un dirigeant s’il n’était pas établi que ce dommage résulte de sa méconnaissance fautive d’un tel enjeu.

En outre, une société pourrait être dotée d’une « raison d’être » dans la réalisation de son activité. Cette raison d’être serait insérée au sein des statuts mais son étendu n’a toutefois pas été définie dans le projet de loi. Elle semble a priori se caractériser comme un objectif poursuivi par la société à l’instar de l’intérêt social déjà consacré par la jurisprudence.

Le texte de loi ferait alors de la raison d’être un aspect fondamental de la gestion des sociétés et permettrait, en cas de méconnaissance de celle-ci par un dirigeant, d’engager sa responsabilité à l’égard de la société et des associés. Le non-respect de la raison d’être de la société constituerait alors une violation des statuts.

Enfin, le projet de loi Pacte prévoit de remanier profondément les règles du commissariat aux comptes, ainsi, on pourrait assister à la suppression progressive du commissariat aux comptes obligatoire dans les PME en introduisant de nouveaux seuils de désignation pour l’ensemble des sociétés.

Conclusion

Selon le législateur, la suppression du commissariat aux comptes va permettre d’encourager la création de d’entreprises et donc de « simplifier la croissance » mais aussi d’unifier les régimes applicables aux différentes sociétés (SA, SARL, SAS). Les mesures visant à encourager le « développement d’une économie de marché responsable » ne semblent pas bouleverser le droit existant, puisque la notion d’intérêt social est déjà largement appliquée par la jurisprudence.

Le législateur contemporain envisage juste de codifier cette notion qu’il appartiendra au juge de définir. Il convient dès lors de se demander si le concept de responsabilité « sociétal » de l’entreprise peut être érigé au rang de principe fondamental du droit des sociétés alors que ces contours semblent encore, pour le moins, très imprécis.

Entreprises en difficultés

En bref : en matière de procédures collectives, le projet de loi PACTE prévoit des modifications substantielles en vue de favoriser le rebond du débiteur mais aussi de réduire la durée des procédures tout en promouvant le recours aux procédures de liquidation judiciaire simplifiée et de rétablissement professionnel.

Dans le cadre d’un redressement judiciaire, le projet de loi prévoit en premier lieu que le chef d’entreprise conserverait sa rémunération, sauf décision contraire du juge.

Le code de commerce dispose actuellement qu’en cas de redressement ou de liquidation judiciaire, c’est le juge-commissaire qui se charge de fixer la rémunération afférente aux fonctions exercées par l’entrepreneur, personne physique, ou par les dirigeants de la personne morale. Le régime actuel ne serait conservé que pour la liquidation judiciaire. Ainsi, dans le cas d’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire, la rémunération serait maintenue en l’état, au jour de l’ouverture de la procédure, sauf décision contraire du juge-commissaire.

La procédure de liquidation judiciaire simplifiée serait ouverte à un plus grand nombre d’entreprises et sa durée raccourcie. Actuellement, cette procédure simplifiée s’applique aux actifs des entreprises de petite taille n’ayant pas d’actif immobilier. Ce régime dérogatoire est obligatoire si l’entreprise débitrice a un chiffre d’affaires hors taxe inférieur ou égal à 300 000 € et si elle a employé un salarié au plus au cours des six mois précédant l’ouverture de la procédure et facultatif si le chiffre d’affaires est supérieur à 300 000 € mais inférieur ou égal à 750 000 € et si le nombre de salariés est compris entre un et cinq.

Le projet de loi envisage de supprimer les cas où la procédure est facultative en modifiant les seuils cités supra et faire de la procédure simplifiée la norme pour les PME ayant cinq salariés maximums et réalisant moins de 750 000 € de chiffre d’affaires.

La durée de la procédure simplifiée serait maintenue à un an pour les entreprises dont le nombre de salariés et le chiffre d’affaires seraient supérieurs à des seuils fixés par décret et réduite à six mois en deçà de ces seuils. Pour rappel, la durée moyenne d’une liquidation judiciaire est de 2,5 années durant lesquelles il est très difficile pour un entrepreneur de démarrer une nouvelle activité.

Le recours à la procédure de rétablissement professionnel serait favorisé par le projet de loi PACTE. En l’état du droit positif, un entrepreneur individuel peut bénéficier d’une procédure de redressement professionnel sans liquidation, afin de solliciter l’effacement de ses dettes professionnelles antérieures. L’ouverture d’une telle procédure nécessite la réunion de plusieurs conditions cumulatives. L’entrepreneur doit être en état de cessation des paiements, son redressement doit être manifestement impossible ; il ne doit pas avoir employé de salarié dans les six derniers mois ; son actif déclaré doit avoir une valeur inférieure à 5 000 € ; et enfin il ne doit pas faire l’objet d’une procédure collective en cours.

Ainsi, toujours en vue de favoriser le « rebond » des entrepreneurs, le texte prévoit de supprimer la condition relative à la non-ouverture d’une procédure collective à l’encontre de l’entrepreneur individuel et ainsi de permettre une passerelle entre les procédures de redressement et de liquidation judiciaires et celle du rétablissement professionnel.

Conclusion

Selon le législateur, la célérité des procédures est la condition nécessaire au rebond des entrepreneurs et donc le meilleur allié d’une nouvelle activité réussie. La tendance serait ainsi de privilégier le recours à des modes plus rapides afin de privilégier la renaissance professionnelle du débiteur. Ces mesures évoquées par le projet de loi PACTE semble aller dans le bon sens pour améliorer les délais et les coûts des procédures.

Toutefois, le projet de loi visant à supprimer le commissariat aux comptes dans les PME (v. supra) laisse penser que pour la majorité des TPE ou des PME la procédure d’alerte va disparaître. Or, le rebond tant espéré par le législateur n’est-il pas avant tout favorisé par l’anticipation des difficultés ?

Prochaine étape :  Le passage du projet de Loi devant le Sénat en janvier 2019.