Droit bancaire : Les précisions relatives aux obligations du banquier apportées par la chambre commerciale

En matière de droit bancaire et financier, plusieurs décisions intéressantes ont été rendues par la chambre commerciale de la cour de cassation. Elles rappellent que les devoirs incombant au banquier à l’égard de ses clients varient selon la nature des opérations réalisées.

Précisions relatives aux devoirs d’information et de conseil incombant au banquier dispensateur de crédit

Dans un arrêt rendu le 20 juin 2018, la chambre commerciale revient sur le devoir d’information et de conseil dont est tenu le banquier envers ses clients en sa qualité de prestataire de service d’investissement (Com., 20 juin 2018 : pourvoi n°17-11473 ; Bull.).

En l’espèce, un contrat d’échange de conditions d’intérêts dit « contrat de swap de taux d’intérêt » avait été conclu par une société afin de couvrir le risque d’augmentation du taux d’intérêt, stipulé variable, à partir duquel était calculé le montant des loyers d’un crédit-bail immobilier. Ce contrat de swap, qui constituait un contrat de couverture, n’avait alors pas permis de protéger le client car ce dernier avait été confronté à la baisse des taux des intérêts, rendant par conséquent le contrat bien peu intéressant pour celui-ci.

Ce dernier avait alors agi en responsabilité contre le PSI en invoquant à la fois un manquement à son devoir d’information ainsi qu’à son devoir de conseil. Les juges du fond avaient alors condamné la banque à indemniser le crédit-preneur et cette condamnation avait été approuvée par la Cour de cassation.

En statuant ainsi, la chambre commerciale de la cour de cassation a précisé les contours de l’obligation d’information et du devoir de conseil pesants sur le banquier.

S’agissant de l’obligation d’information, la Cour de cassation rappelle que « l’information délivrée par le banquier prestataire de services d’investissement doit être objective, suffisante et compréhensible, afin de permettre à son client de comprendre la nature du service d’investissement et du type spécifique d’instrument financier proposé, ainsi que les risques y afférents, et de prendre sa décision en toute connaissance de cause ».

Elle ajoute que les juges d’appel avaient bien caractérisé un manquement du PSI à son obligation d’information en relevant que « la proposition de couverture de taux adressée par la banque à la société A. le 20 février 2008 était très sommaire puisqu’elle se bornait à lui présenter deux instruments, le « swap » de taux, s’agissant de la fixité́, et le » tunnel (3,5 % – 4,5 %) » », que « s’agissant du « swap », la banque a omis d’indiquer à la société A. que le choix de cette option était irrévocable, qu’elle ne bénéficierait donc pas d’une éventuelle baisse des taux et qu’elle s’exposait à supporter un coût élevé́ en cas de sortie du contrat » et « qu’aucune des deux propositions de la banque ne comprenait de simulation chiffrée des risques encourus au regard de l’évolution prévisible ou non des taux d’intérêts ».

La solution semble donc cohérente en ce que les juges du fond avaient largement motivé la mise en cause de la responsabilité du prestataire de service d’investissement au titre de son obligation d’information, information qui avait été rendue en l’espèce de manière très parcellaire.

S’agissant du devoir de conseil, le prestataire de service d’investissement n’est en principe pas tenu d’un tel devoir comme a pu le rappeler la chambre commerciale de la cour de cassation dans un arrêt du 13 janvier 2015 (n° 13-25.856) notamment en raison de la règle de non-immixtion dans les affaires de son client. La Haute juridiction le rappelle tout en assortissant ce principe d’exceptions.

Elle précise ainsi que « si le banquier prestataire de services d’investissement n’est pas, en cette seule qualité, tenu d’une obligation de conseil à l’égard de son client, il est tenu, lorsque, à la demande de celui-ci ou spontanément, il lui recommande un service ou un produit et lui prodigue ainsi un conseil, de le faire avec pertinence, prudence et loyauté, en s’enquérant de ses connaissances, de son expérience en matière d’investissement, ainsi que de sa situation financière et de ses objectifs, afin que l’instrument financier conseillé soit adapté ».

En d’autres termes, si le banquier n’est pas tenu de conseiller son client, il en va différemment lorsque celui-ci sollicite un conseil ou lorsque la banque en délivre un spontanément. Une fois encore, la solution se comprend dès lors que la banque sort de sa neutralité. En l’occurrence, la responsabilité de la banque avait été retenue pour avoir proposé la souscription du swap inadapté à la situation du client, situation que la banque connaissait parfaitement.

La chambre commerciale a toutefois censuré la décision des juges du fond en raison d’une mauvaise évaluation a toutefois censuré en raison d’une mauvaise évaluation du préjudice subi par le client. Ce préjudice consistait, en effet, en une perte de chance de bénéficier d’un taux favorable. Or, la cour d’appel « n’a pas mesuré le risque à la chance perdue d’éviter le dommage mais l’a réparé dans son intégralité ». 

En effet, les juges ont considéré, à tort, que mieux informé et conseillé, le client aurait nécessairement souscrit un contrat de cap permettant de couvrir le risque de taux. Une telle analyse est erronée en ce que le client aurait « pu décider de ne pas souscrire de contrat de couverture ou privilégier une autre formule ». Désormais, il appartiendra à la cour d’appel de renvoi, saisie de la seule évaluation du préjudice, de chiffrer alors la chance perdue.

Conclusion

L’information délivrée par le banquier prestataire de services d’investissement doit être objective, suffisante et compréhensible, afin de permettre à son client de comprendre la nature du service d’investissement et du type spécifique d’instrument financier proposé, ainsi que les risques éventuels, et de prendre sa décision en toute connaissance de cause. Toutefois, si le banquier prestataire de services d’investissement n’est pas, en cette seule qualité, tenu d’une obligation de conseil à l’égard de son client, il est tenu, lorsque, à la demande de celui-ci ou spontanément, il lui recommande un service ou un produit et lui prodigue ainsi un conseil, de le faire avec pertinence, prudence et loyauté, en s’enquérant préalablement de ses connaissances, de son expérience en matière d’investissement, ainsi que de sa situation financière et de ses objectifs, afin que l’instrument financier conseillé soit adapté à sa situation.

Précisions relatives au devoir de mise en garde du banquier dispensateur de crédit

La décision, rendue le 4 juillet 2018, apporte des précisions relatives au devoir de mise en garde dont est tenu le banquier dispensateur de crédit à l’égard d’un client non averti en particulier lorsqu’existe un risque d’endettement (Com., 4 juill. 2018 : pourvoi n° 17-13128 ; Bull.).

Le devoir de conseil, comme celui de mise en garde ne pourra être utilement donné que s’il s’est instauré un échange entre les cocontractants. Si la partie faible, le client, ne communique pas au professionnel de l’investissement des renseignements exacts et complets, ce dernier n’aura logiquement pas la possibilité d’exécuter convenablement sa mission. La Cour de cassation donne avec cet arrêt une parfaite illustration de cette situation, ici en matière de crédit immobilier.

En l’espèce, des emprunteurs avaient conclu un contrat de crédit immobilier avec une banque. Les emprunteurs ayant interrompu le remboursement des échéances du prêt, la banque, après en avoir prononcé la déchéance du terme, les a assignés en paiement. À titre reconventionnel, ces derniers ont recherché la responsabilité de la banque pour dol mais aussi pour manquement aux obligations de contrôle, de mise en garde, d’information et de conseil qui lui incombaient alors.

Les juges du fond ont considéré que la banque n’était pas tenue d’un devoir de mise en garde à l’égard des emprunteurs car elle pouvait se fier à la fiche de renseignements signée par ces derniers et accompagnée de documents justificatifs que ces derniers avaient produit avant de souscrire le crédit immobilier.

Les emprunteurs se sont alors pourvus en cassation en faisant notamment valoir que la banque ne pouvait prétendre connaître l’état de leur endettement faute de leur avoir demandé préalablement leurs relevés de comptes bancaires. Cette demande aurait permis à la banque de vérifier les mouvements de remboursement d’emprunts et de découvrir que la fiche de renseignements, qui n’avait pas été remplie par les emprunteurs, ne comportait pas l’indication d’un prêt qu’ils avaient souscrit auprès d’un autre établissement bancaire auparavant.

La décision prise par la chambre commerciale de la cour de cassation le 4 juillet 2018, est d’une importance pratique indéniable en ce qu’elle permet de préciser les contours du devoir de mise en garde du banquier à l’égard de son client et notamment de l’importance des renseignements fournis par ce dernier.

Dans cet arrêt, la chambre commerciale confirme, en effet, que le banquier est « en droit de se fier aux éléments figurant sur la fiche signée » par les emprunteurs et que « compte tenu de leur situation financière et patrimoniale, telle qu’elle ressort des éléments qu’ils ont ainsi communiqués à la banque, le crédit octroyé n’était pas de nature à constituer pour eux un risque d’endettement, de sorte que la banque n’était pas tenue à un devoir de mise en garde ». Cette solution avait déjà été affirmée en présence d’un contrat de cautionnement, la banque était ainsi en droit de s’en remettre aux informations fournies par la caution sans avoir à procéder à des investigations complémentaires sauf anomalie apparente (Com. 20 avr. 2017, n° 15-16.184).

En l’espèce, la banque a toutefois été sanctionnée pour ne pas avoir respecté les dispositions des articles L. 312-7 et L. 312-10 du code de la consommation (devenus L. 313-24 et L. 313-34) relatifs à l’offre de crédit en matière de crédit immobilier.

Conclusion

Le devoir de mise en garde suppose que le banquier puisse apprécier le danger éventuel du crédit demandé compte tenu de la situation patrimoniale tant active que passive de l’emprunteur. Dès lors, le banquier est en droit de se fier aux éléments fournis par ce dernier, hormis l’hypothèse d’une anomalie apparente. Par conséquent, une banque est en droit de se fier aux éléments figurant sur la fiche signée par les emprunteurs avant la souscription du crédit.

SOURCES