La réforme du Cautionnement

Karine Dabot

Les modifications apportées par l’ordonnance du 15 septembre 2021 portant réforme du droit des sûretés au droit du cautionnement.

Les règles du cautionnement sont refondues et réunies dans le code civil, aux articles 2288 à 2320.

Les nouvelles dispositions relatives au cautionnement entre en vigueur au 1er janvier 2022 mais seulement pour les cautionnements conclus à compter de cette date.

Les cautionnements conclus avant le 1er janvier 2022 restent soumis à la loi ancienne y compris pour les effets légaux et pour les dispositions d’ordre public. Il est toutefois dérogé à ce principe pour les dispositions qui concernent l’information annuelle de la caution, l’information de la caution sur les incidents de paiement du débiteur et enfin en ce qui concerne l’information de la sous caution : Article 2302, 2303, et 2304 du Code civil.

I . La nature du cautionnement

Actuellement, le cautionnement, contrat civil par nature, devient commercial notamment lorsque la caution, même non commerçante, a un intérêt patrimonial personnel à garantir la dette qui est elle-même commerciale.

L’ordonnance abandonne ce critère. Le cautionnement de dette commerciale constituera entre toute personne un acte de commerce. Ainsi les dispositions de l’article L 110 – 1 du code de commerce sont complétées par un 11e alinéa.

En conséquence, deviendront commerciaux des cautionnements qui ne le sont pas actuellement tel celui donné par l’associé d’une société commerciale pour garantir les dettes de celle-ci, même s’il n’est pas impliqué dans la gestion sociale.

Cette modification permettra de soumettre à la même juridiction, à savoir le tribunal de commerce, le contentieux du cautionnement et celui de la dette lorsqu’elle est commerciale.

II . Le formalisme

A. mention manuscrite

Actuellement, la loi subordonne la validité du cautionnement à la présence dans l’acte de cautionnement de mentions particulières écrites de la main de la caution et conforme à des modèles légaux impératifs prévus au code de la consommation.

Ces textes sont abrogés. L’ordonnance met à néant les mentions que le code de consommation imposait pour la rédaction et la validité du cautionnement. En l’état la mention n’est plus prérédigée, la durée n’y figure plus et le texte prévoit une liberté de rédaction.

Néanmoins, la caution devra indiquer dans l’acte, à peine de nullité de celui-ci qu’elle s’engage en qualité de caution à payer au créancier ce que lui doit le débiteur en cas de défaillance de celui-ci, dans la limite d’un montant en principal et accessoires exprimé en lettres et en chiffres ; en cas de différence, le cautionnement vaudra pour la somme écrite en toutes lettres (article 2297 alinéa 1 du code civil).

Pour autant il est prévu que doit apparaître une mention spécifique pour permettre de faire application de la renonciation au bénéfice de discussion et de division mais là également aucune rédaction n’est imposée.

Le nouvel article 2297 du Code civil ne fait plus référence à une mention manuscrite mais à une mention apposée par la caution elle-même afin de tenir compte de la possible conclusion du cautionnement par voie électronique.

Les conditions de cette apposition doivent, en application de l’article 1174 alinéa deux du Code civil, garantir qu’elle n’a pu être faite que par la caution.

En cas d’irrégularités le cautionnement ne sera pas nul mais simple et conjoint.

Le formalisme du cautionnement est étendu à tous les cautionnements souscrits par une personne physique quelque soit la personne envers qui elle s’engage.

B. Le cautionnement électronique

Actuellement, les actes sous signature privé relatifs à des sûretés personnelles ou réelles, de nature civile ou commerciale, ne peuvent pas être conclus par voie électronique, sauf s’ils sont passés par une personne pour les besoins de sa profession. Cette disposition est abrogée ce qui permettra de conclure l’ensemble des sûretés par voie électronique, y compris un cautionnement.

III . Le devoir de mise en garde

La jurisprudence fait aujourd’hui peser sur les établissements de crédit qui réclament un cautionnement, l’obligation de mettre en garde la caution si l’engagement de celle-ci est, lors de sa conclusion, inadapté à ses capacités financières et s’il existe un risque d’endettement né de l’opération garantie qui résulte de l’inadaptation du contrat aux capacités financières de l’emprunteur.

L’établissement est tenu d’une obligation envers la caution profane et exceptionnellement envers une caution avertie si l’établissement détient des informations que la caution ignorait sur le revenu de l’emprunteur garanti.

L’ordonnance codifie partiellement cette jurisprudence.

Le devoir de mise en garde est donc codifié à l’article 2299 alinéa 1 et prévoit que le créancier y est tenu lorsque l’engagement du débiteur principal est inadapté à ses capacités financières.

Le seul objet du devoir de mise en garde réside dans le caractère excessif du crédit garanti par rapport aux capacités de remboursement du débiteur principal et s’applique à tous les rapports entre un créancier professionnel et une personne physique. (La réforme met à néant la distinction entre caution avertie/ non avertie).

La sanction de l’absence de respect du devoir de mise en garde a été également modifiée ; en effet avant, il était prévu l’allocation de dommages-intérêts sur le fondement de la perte de chance qui se compensaient avec la dette.
L’ordonnance prévoit maintenant que le créancier est déchu de son droit contre la caution à hauteur du préjudice subi par celle-ci.

Pour la caution, ceci constituera une simplification procédurale puisque la déchéance d’un droit constitue une défense au fond qui échappe à la prescription, mais le résultat sera, en pratique, le même puisque la caution sera libérée de son engagement à hauteur de son préjudice.

IV. Le cautionnement disproportionné

Plusieurs dispositions du code de la consommation interdisent à un créancier professionnel de se prévaloir du cautionnement donné par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution ne lui permette de faire face à son engagement lorsqu’il est appelé à l’exécuter.

La disproportion s’apprécie donc soit au jour de la signature de l’engagement soit au jour où la caution est appelée.

En cas de disproportion manifeste de son engagement, la caution est intégralement libérée.

L’ordonnance du 15 septembre 2021 abroge ces textes du code de la consommation pour le remplacer par une disposition unique intégrée dans le Code civil.

Ainsi, la proportionnalité est prévue à l’article 2300 du Code civil ; elle s’appréciera au jour de la conclusion de l’acte exclusivement ; disparaît donc la possibilité de démontrer la proportionnalité du cautionnement au jour où la caution est appelée.

La sanction de l’absence de proportionnalité est également modifiée puisque l’ordonnance prévoit une réduction de l’engagement à hauteur des capacités financières de la caution au jour de son engagement. (À ce jour la sanction consiste en l’impossibilité pour la banque de se prévaloir de l’acte de cautionnement).

L’on peut considérer que sous réserve de ces modifications, les grands principes jurisprudentiels qui ont été dégagés en application des dispositions actuelles seront transposables, à savoir que la dette garantie soit un crédit ou pas, que la preuve de la disproportion soit à la charge de la caution, les éléments pouvant être prise en considération pour caractériser la disproportion.

V. Le régime de l’information de la caution

A. Information annuelle

L’ordonnance unifie le régime de l’information que le créancier doit communiquer à la caution sur l’évolution de la dette et les éventuels défauts de paiement.

Ces nouvelles dispositions s’appliquent même aux cautionnements souscrits avant le 1er janvier 2022.

Aujourd’hui plusieurs textes imposent au créancier de communiquer chaque année à la caution des informations sur l’évolution de la dette garantie. Ces textes sont abrogés et remplacés par un unique article dans le Code civil qui unifie le régime de l’information de la caution.

Ainsi l’article 2302 prévoit que le créancier professionnel sera tenu, avant le 31 mars de chaque année et à ses frais, de faire connaître à toute caution personne physique le montant du principal de la dette, des intérêts et autres accessoires restant dus au 31 décembre de l’année précédente au titre de l’obligation garantie, sous peine de déchéance de la garantie des intérêts et pénalités échues depuis la date de la précédente information et jusqu’à celle de la communication de la nouvelle information. Dans les rapports entre le créancier et la caution, les paiements effectués par le débiteur pendant cette période seront imputés prioritairement sur le principal de la dette.

Le créancier professionnel sera aussi tenu à ses frais et sous la même sanction, de rappeler à la caution le terme de son engagement ou, si le cautionnement est à durée indéterminée, sa faculté de résiliation à tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci pourra être exercée.

Cette information devra également être délivrée à la personne morale qui a souscrit un cautionnement vers un établissement de crédit en garantie d’un concours financier accordé à une entreprise.

Dans la mesure où il est mentionné que les frais incombent au créancier, il sera interdit à ce dernier de les répercuter non seulement sur la caution mais aussi sur le débiteur principal.

B. Le cautionnement électronique

Là également l’ordonnance abroge les textes actuellement applicables pour procéder à une uniformisation par la création d’un article 2303 au terme duquel le créancier professionnel sera tenu d’informer toute caution personne physique de la défaillance du débiteur principal dès le premier incident de paiement non régularisé dans le mois de l’exigibilité de ce paiement, à peine de déchéance de la garantie des intérêts et pénalités échues entre la date de cet incident et celle à laquelle elle en aura été informée.

Là également, dans les rapports entre le créancier et la caution, les paiements effectués par le débiteur pendant cette période seront imputés prioritairement sur le principal de la dette.

L’article 2303 ne précise pas si les frais de cette information seront à la charge du créancier ou s’ils peuvent être répercutés.
Ces informations devront être communiquées par la caution à la sous caution personne physique dans le mois qui suit la réception.

VI . Les effets du cautionnement

A. Les exceptions purement personnelles au débiteur ouvertes à la caution

Actuellement, la caution poursuivie en exécution de son engagement peut opposer au créancier toutes les exceptions qui appartiennent au débiteur principal et qui sont inhérentes à la dette, mais elle ne peut pas lui opposer les exceptions qui sont purement personnelles au débiteur.

L’article 2298 du Code civil rétablit le principe d’opposabilité des exceptions.

L’ordonnance prévoit donc que la caution peut opposer l’intégralité des exceptions sauf les mesures légale ou judiciaire dont bénéficient le débiteur principal en conséquence de sa défaillance ; seront donc en principe inopposable les délais, les remises les suspensions, l’arrêt du cours des intérêt… sauf s’ils ont été consentis au cours d’une procédure de conciliation ouverte au profit du débiteur.

En matière de procédure collective, le dernier alinéa de l’article L631-14 du code de commerce est supprimé ce qui revient à aligner le sort des cautions en cas de redressement judiciaire sur celui qui existait en cas de sauvegarde.

B. Limitation des cas de décharge de la caution pour perte de subrogation

Les dispositions de l’article 2314 du Code civil sont maintenues et la caution reste déchargée de son obligation lorsque, par la faute du créancier, elle ne peut pas bénéficier de la subrogation que lui accorde l’article 2309.(la caution qui a payé tout ou partie de la dette est subrogée dans les droits qu’avait le créancier contre le débiteur).

La seule différence intervenue concerne le fait que la caution ne pourra pas reprocher au créancier son choix du mode de réalisation d’une sûreté.

En effet, avant la réforme, en matière de sûreté réelle permettant au créancier de demander soit la vente soit l’attribution judiciaire du bien donné en garantie, la Cour de cassation a jugé que l’attribution judiciaire n’était qu’une faculté pour le créancier mais que ce dernier commettait une faute, lorsqu’il était par ailleurs garanti par un cautionnement si en s’abstenant de demander cette attribution il privait la caution d’un droit qui pouvait lui profiter. (Cass. Com3/12/2003 n°01-14.761).

La décharge n’était prononcée que si l’abstention avait effectivement causé un préjudice à la caution.

Désormais, y compris dans ce cas, la caution ne pourra plus être déchargée pour perte de subrogation dans les droits du créancier. Le créancier demeurera libre du mode de réalisation de la sûreté. (En l’espèce il est bien évident que le créancier pouvait légitimement ne pas souhaiter devenir propriétaire du bien).

C. Disparition du recours de la caution contre le débiteur avant paiement

L’article 2309 ancien permettait à la caution, avant d’avoir payé le créancier, d’appeler le débiteur en garantie, saisir les biens de celui-ci et exercer un droit de ce dernier par la voie oblique.

Ce texte a été totalement abrogé par l’ordonnance et a donc entraîné la disparition du recours de la caution avant paiement.

Toutefois, dans ce cas il sera toujours possible à la caution de solliciter du juge de l’exécution l’autorisation de procéder à différentes mesures à titre conservatoire dans le cadre des procédures civiles d’exécution afin de préserver ses droits.

Nonobstant ces dispositions, la caution pourra toujours, avant même d’avoir payé le créancier, procéder à sa déclaration de créance dans la procédure collective du débiteur afin de sauvegarder son recours personnel contre celui-ci. Cette possibilité est ouverte par le nouvel article L 622-34 du code de commerce issu de l’ordonnance du 15 septembre 2021 applicable dans les procédures ouvertes à compter du 1er octobre 2021.

Avocate à la Cour d’appel d’Aix-en-Provence

Le Cabinet MATHIEU-DABOT et Associés met au service des sociétés et des particuliers qu’il accompagne ses compétences techniques et juridiques afin de défendre au mieux leurs intérêts.

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