Notions clés du droit des successions et actualités récentes

Cabinet MATHIEU-DABOT et Associés

Tout un chacun sera confronté au droit des successions lors de son existence. Les difficultés liées à la transmission d’une société, l’évolution sociétale de la composition du noyau familial ou encore la multiplication des souscriptions à des contrats d’assurance vie représentent autant d’écueils qui entrainent fréquemment des situations juridiques complexes.

En droit français, la liberté contractuelle des justiciables et les règles légales qui gouvernent le droit des successions s’entremêlent. Cette dualité participe amplement à la difficulté de la matière. 

Plusieurs décisions récentes rendues par la Cour de cassation offrent l’occasion de préciser les traits principaux de cette discipline tout en clarifiant cette actualité. Il ne s’agit pas de brosser un portrait exhaustif de la matière mais d’en accentuer certaines caractéristiques importantes.

I . La dévolution par ordre et degré

Dans un propos liminaire, il est utile de rappeler que l’expression latine « de cujus » provient de la locution « is de cujus successione agitur » et désigne celui de la succession duquel on débat.

Le principe est celui d’une dévolution légale qui s’effectue par le processus nommé « ordre et degré ». Il faut comprendre une échelle de priorité entre les différents héritiers procédant par exclusion des membres de la famille les plus éloignés. Dans un même ordre, les héritiers sont départagés en fonction du degré de parenté avec le de cujus.

Pour illustrer ce propos, les successions légales s’effectuent dans cet ordre et degré :

Le premier ordre : les descendants.

Lorsque le de cujus n’a pas de descendance, il faut passer à l’ordre suivant.

Pour le deuxième ordre : ascendants et collatéraux privilégiés.

Et ainsi de suite.

Des mécanismes juridiques permettent d’apporter un correctif à ce principe. D’une part la représentation successorale permet à un ou plusieurs enfants d’un héritier renonçant d’être appelé à la succession. D’autre part, le processus de la fente successorale entraine une division de la masse successorale entre les parents de la branche maternelle et les parents de la branche paternelle du de cujus.

En outre, le conjoint survivant bénéficie d’une place particulière au sein de la succession puisqu’il dispose d’un choix entre le quart de la pleine propriété ou la totalité en usufruit lorsque les enfants sont issus du même lit. Le conjoint survivant est même héritier réservataire lorsque le de cujus n’a pas d’enfant. Le conjoint successible est le conjoint non divorcé au moment du décès.

Le conjoint survivant bénéficie également d’un droit de se maintenir dans le logement familial dans la continuité des effets du mariage. Il se distingue du droit viager d’usage et d’habitation dont il peut bénéficier qui est un effet successoral. Le droit temporaire au logement est un droit personnel auquel le de cujus ne pourra pas déroger par un acte unilatéral contrairement au droit viager. Ce dernier peut être écarté dans des conditions spécifiques.

Ces droits légalement prévus au profit du conjoint peuvent être complétés par les libéralités qui lui sont adressées.

L'Actualité

Cass 1ère Civ, 2 mars 2022, n°20-16.674 : La Cour précise que le conjoint survivant dispose d’un « délai d’un an à partir du décès » pour manifester sa volonté d’user de son droit viager au logement.  De plus, quand bien même cette manifestation puisse être tacite, « elle ne peut résulter du seul maintien dans les lieux ».

Cass 1ère Civ, 4 novembre 2020, n°19-14.421 : Une précision est apportée sur l’usufruit lorsqu’il porte sur des sommes d’argent sous le prisme du droit des successions. L’usufruitier a le droit de les utiliser mais à charge de les restituer à la fin de l’usufruit. Les légataires universels de l’usufruitier doivent restituer la valeur présente sur les comptes bancaires à la succession du nu-propriétaire.

II . La dévolution volontaire et les libéralités

La situation du conjoint survivant est une nouvelle fois à distinguer de celles des autres héritiers. Les libéralités qui lui sont adressées s’imputent sur la quotité disponible spéciale entre époux. Celle-ci s’exprime en usufruit et peut s’avérer stratégique lorsque les époux ont des enfants issus de précédentes unions.

Le droit français prévoit deux types de libéralités : les legs et les donations.

La donation est un contrat qui transfère immédiatement et définitivement des biens et des droits. Le legs est un acte juridique unilatéral qui prend effet à cause de mort. Ce dernier est donc révocable contrairement à la donation.

Le testament olographe, pour être valable, doit être écrit en entier, daté et signé par la main du testateur. Celui-ci n’est pas soumis à d’autres conditions de forme particulières. Le testament authentique est reçu par deux notaires, ou par un notaire en présence de deux témoins. Il est dicté et signé par le testateur. L’avantage du second se cristallise dans sa force probante car il fait foi jusqu’à inscription de faux.

Qu’ils soient prévus par des testaments olographes ou authentiques, les legs se divisent en trois catégories.

Deux mécanismes du droit des successions permettent de protéger les héritiers réservataires. Plus précisément, la descendance directe du de cujus bénéficie de ce statut afin de garantir l’attribution d’une partie de la masse successorale. Ces parts garanties varient en fonction du nombre d’enfants du de cujus.

Le legs est réductible. La réduction permet de conserver les parts réservataires et protéger certains héritiers. Ce mécanisme est donc envisageable lorsque les legs excèdent la quotité disponible ordinaire. Le mode de calcul de la réduction nécessite une estimation de la valeur des biens à l’époque du partage, en fonction de leur état au jour où la libéralité a pris effet. Il convient donc de distinguer entre la donation et le legs.

La donation est présumée rapportable, on dit qu’elle est faite en avance de parts successorales. Le mécanisme du rapport peut être écarté par la volonté du de cujus. Les modalités sont prévues par les articles 860 et suivants du Code civil :

Lorsque l’on évoque le rapport en moins prenant, il faut comprendre que l’indemnité du rapport successoral est imputée sur la part successorale de l’héritier. En d’autres termes, le donataire recevra moins que ses cohéritiers au moment du partage.

Par exception le rapport successoral peut s’effectuer en nature.

L'Actualité

Cass 1ère Civ, 23 mars 2022, n°20-17.663 : Comme tous les actes juridiques, les legs sont soumis à la loi en vigueur au jour où ils ont été conclus. En l’occurrence, l’appréciation de l’incapacité de recevoir un legs doit être étudiée au regard de la loi en vigueur au jour de l’établissement du testament et non au jour du décès.

Cass 2ème Civ, 10 mars 2022, n°20-19.655 : Selon l’article L132-8 du Code des assurances dans sa rédaction applicable au litige, la désignation ou la substitution du bénéficiaire d’un contrat d’assurance vie peut être effectuée jusqu’au décès de l’assuré. Cette action ne nécessite pas la connaissance de l’assureur pour être valide et peut donc être réalisée par voie testamentaire.

Cass 1ère Civ, 2 mars 2022, n°20-21.641 : L’avantage indirect pour un successible qui occupe gratuitement une partie d’un bien dont il est nu-propriétaire indivis est sujet au rapport. La Cour de cassation en précise les modalités et explique que l’héritier ne peut pas déduire de l’indemnité de rapport les dépenses effectuées si elles relèvent du domaine des grosses réparations du bien ; « l’usufruitier n’est tenu qu’aux réparations d’entretien ».

Cass 1ère Civ, 26 janvier 2022, n°20-14.155 : La cession de la nue-propriété d’une même société pour un quart à chacun des quatre enfants, dans un acte identique et quasi-concomitant, revêt un objectif global de transmission. Il en découle directement que les héritiers réservataires qui l’ont connu et accepté ne peuvent pas solliciter l’imputation et la réduction au sens de l’article 918 du Code civil.

Cass 1ère Civ, 12 janvier 2022, n°19-25.158 & n°20-12.232 : La Cour de cassation, sans que cela soit nécessaire pour justifier le rejet des pourvois, énonce que « le conjoint survivant est tenu à un rapport spécial en moins prenant des libéralités reçues par lui du défunt ». Il en résulte donc que si le pacte tontinier stipulé dans un acte d’achat est une donation déguisée du de cujus, cette donation est soumise au rapport dans les conditions définies à l’article 758-6 du Code civil.

III . L’appréhension de la succession

La saisine représente la mise en possession des biens successoraux. Cet acte permet à chaque héritier de gérer la masse successorale avant de décider s’il accepte ou non la succession. Cette question est d’une importance capitale dans une majorité des cas car il est nécessaire de gérer ce capital, entretenir les biens ou acquitter les dettes du de cujus.

Ce stade antérieur au partage est soumis au régime du droit de l’indivision, la saisine est indivisible et individuelle. Tout héritier est saisi de toute la succession jusqu’au partage mais cela ne concerne que les héritiers venant en rang utile, selon le mécanisme de l’ordre et degré.

Lors de cette étape de continuité de la personne du défunt, l’héritier saisi dispose des droits et actions qui lui appartenaient.

L’appréhension juridique de la succession offre quant à elle trois possibilités aux héritiers.

Il existe pour l’héritier acceptant purement et simplement qui recueille des dettes plus importantes que l’actif un mécanisme permettant une décharge d’une partie du passif. Celui-ci peut également sous certaines conditions demander de la nullité de l’option pour erreur. Cependant ces solutions peuvent être difficiles à mettre en œuvre.

L'Actualité

Cass 3ème Civ, 5 janvier 2022, n°20-21.359 : Il résulte de la combinaison des dispositions qui organisent le paiement des créanciers de la succession et du régime des inscriptions hypothécaires que le curateur d’une succession déclarée vacante peut en demander la mainlevée si l’inscription est postérieure au décès.

Cass Crim, 15 juillet 2021, n°20-86.280 : La Cour de cassation réitère l’absence de principe de présomption d’acceptation de la succession malgré la possibilité d’accepter tacitement. L’héritier est réputé y avoir renoncé dans un délai de dix ans à compter de l’ouverture de la succession et l’acceptation tacite est soumise à l’interprétation souveraine des juges du fond.

IV. Le partage de la masse successorale

La détermination de la masse partageable impose l’analyse de sa composition et son évaluation. Concernant les éléments actifs, la masse partageable comprend :

Les créances détenues par le de cujus connaissent un régime particulier. Celles-ci sont divisées de plein droit entre les héritiers à proportion de leurs parts héréditaires.

La possibilité de prévoir ou de reconnaître des attributions préférentielles est ouverte en droit des successions. Ainsi, sous plusieurs conditions, le conjoint survivant ou tout héritier copropriétaire peut solliciter l’attribution préférentielle par voie de partage. 

Elle peut notamment porter sur une société agricole, commerciale, industrielle, artisanale ou libérale. L’attribution peut également être demandée pour une quote-part indivise d’une de ces sociétés ou pour des droits sociaux. Toutefois, le bénéficiaire de cette attribution ne devient le propriétaire exclusif du bien qu’au moment du partage définitif.

Des règles d’évaluation des biens permettent de palier leur dépréciation ou valorisation. Parmi ces méthodes, la donation-partage permet d’anticiper le partage de la masse successorale. La donation-partage se distingue drastiquement de la donation classique et n’a de ce contrat que la forme. Sur le fond, l’évaluation des biens qui composent la masse successorale s’effectue au jour de la donation. Pour être valide, elle doit nécessairement prévoir l’attribution précise des parts.

L'Actualité

Cass Com, 2 mars 2022, n°20-20.173 : « La faculté d’agir en réduction d’une donation-partage est ouverte à l’héritier réservataire qui n’a pas concouru à la donation ou qui a reçu un lot inférieur à sa part de réserve ». L’héritier est libre en fonction de considérations patrimoniales, mais également morales ou familiales, d’exercer ou non l’action en réduction. Malgré l’article L.641-9 du Code de commerce, la procédure de liquidation judiciaire et le dessaisissement qui en découle n’ont pas d’incidence sur la mise en œuvre de cette action attachée à la personne de l’héritier.

Cass 1ère Civ, 4 novembre 2020, n°19-10.179 : Comme l’article 924-2 du Code civil, l’article 868 dans sa rédaction antérieure à la loi du 23 juin 2006, l’indemnité de réduction se calcule d’après la valeur des objets donnés ou légués à l’époque du partage, selon leur état au jour où la liberté a pris effet.

Avocate à la Cour d’appel d’Aix-en-Provence

Elève avocat

Le Cabinet MATHIEU-DABOT et Associés met au service des sociétés et des particuliers qu’il accompagne ses compétences techniques et juridiques afin de défendre au mieux leurs intérêts.

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