L’assurance-vie à l’épreuve du droit des successions

Cabinet MATHIEU-DABOT et Associés

L’assurance-vie est un instrument qui s’est implanté au cœur des stratégies financières en France. Alors que les prévisions d’inflation animent l’actualité, la recherche de placements pécuniaires offrant de bons rendements s’accentue et devient presque nécessaire. C’est l’occasion d’offrir un rappel important sur les problématiques liées à ce type de contrats.

L’assurance-vie connaît une vocation duale car il s’agit tant d’un contrat d’épargne que d’assurance signé entre un assuré et un assureur. Son but est de disposer d’un capital, suivant le versement de primes, qui donne lieu à des intérêts qui sont ensuite capitalisés. Lorsque l’assuré décède, le capital est versé par l’assureur au(x) bénéficiaire(s) désigné(s) par le souscripteur.

Il faut évidemment comprendre que l’assurance-vie est un outil contractuel qui permet d’organiser sa succession. La convention a pour objet une garantie dépendant de la vie humaine, ce qui constitue l’élément aléatoire nécessaire au contrat d’assurance de droit commun.

D’une manière similaire à la matière successorale, les droits des bénéficiaires comme ceux des héritiers s’ouvrent au décès du de cujus.

La réputation de l’assurance-vie est certainement justifiée par les avantages fiscaux qu’elle offre.

Rappel

Il est utile de noter brièvement que ce contrat permet actuellement une exonération de toute taxation sur le capital décès versé à concurrence de 152.500 euros par bénéficiaire lorsque les primes sont versées par l’assuré avant 70 ans. Au-delà, l’imposition est forfaitaire. L’abattement est apprécié par bénéficiaire pour l’ensemble des contrats souscrits à son égard par un même assuré. Une distinction s’opère avec les primes versées par le souscripteur après 70 ans alors que le taux des droits de succession varie suivant son lien de parenté avec le bénéficiaire du capital.

De surcroit, cet outil peut également être souscrit dans un objectif d’épargne pur. Dans cette hypothèse, l’assujettissement des gains vari en fonction de la durée de vie du contrat au moment d’un retrait, d’un rachat partiel ou d’une clôture afin de récupérer l’épargne sous forme de capital.

Les principales difficultés du contrat d’assurance-vie se cristallisent lorsque son régime particulier croise celui du droit des successions.

En matière successorale, plusieurs mécanismes permettent de garantir les droits de certains héritiers. Il en va notamment de la réduction des libéralités ou du rapport de celles-ci. Cependant, le premier alinéa de l’article L.132-13 du Code des assurances dispose que l’assurance-vie n’est pas soumise à ces mécanismes.

Rappel

Succinctement, l’action en réduction peut être introduite par un héritier réservataire – la descendance directe du de cujus ou, à défaut, le conjoint survivant – lorsque les libéralités concédées dépassent la quotité disponible et empiètent sur leur(s) réserve(s) héréditaire(s).

Le rapport est une technique visant à assurer l’égalité entre les héritiers ab intestat – les héritiers investis par la loi – et oblige les héritiers à réintégrer les libéralités reçues dans la masse partageable. Lorsqu’une libéralité est rapportable, elle est considérée comme étant une avance sur la part successorale de l’héritier. Ainsi, elle s’imputera prioritairement sur sa réserve héréditaire et subsidiairement sur la quotité disponible.

Selon le premier alinéa de cet article, l’assurance-vie est étrangère à la succession. Cependant, le législateur a prévu une contre-exception au second alinéa de ce même article qui précise que les mécanismes du rapport et de la réduction ne sont applicables que lorsque les primes sont manifestement exagérées eu égard aux facultés du de cujus.

Il est important de noter que le principe est l’impossibilité de mettre en œuvre ces mécanismes successoraux. Or les exceptions s’interprètent strictement en droit français.

En l’absence de précision textuelle, il appartenait à la jurisprudence de développer le régime de cette contre-exception. Il en résulte que la charge de la preuve du caractère excessif des primes incombe aux héritiers qui entendent en demander le rapport et/ou la réduction, ou que la sanction de la disproportion est le retour au droit commun des libéralités, les primes étant alors considérées comme une donation indirecte.

Toutefois, la véritable problématique se distingue dans l’interprétation du « caractère manifestement exagéré » de la prime. La Cour de cassation a précisé les contours de cette notion et offre aux juges du fonds un pouvoir souverain d’interprétation ce qui ne prive pas chaque contrat d’assurance-vie d’une forme d’instabilité.

En substance, l’appréciation de la prime s’effectue au regard de l’âge, de la situation familiale, du patrimoine et de l’utilité ou du mobile du contrat de l’assuré. Ces divers facteurs s’interprètent par le biais d’un contrôle de proportionnalité eu égard à la fortune globale du souscripteur ou d’une vérification de la volonté de celui-ci de gratifier une attitude de reconnaissance ou de respecter un devoir de secours.

En outre, ce caractère s’apprécie lors du versement de la prime, qui n’est pas nécessairement concomitant à l’ouverture du contrat d’assurance-vie, et non au moment du décès du souscripteur.

Tous ces éléments donnent corps à un faisceau d’indices utilisé par les magistrats du fond qui permettra, au cas par cas, de déterminer si un contrat d’assurance-vie est rapportable ou réductible.

Il est indéniable que cette multitude de facteurs, interprétés dans chaque contentieux, peuvent parfois insuffler une certaine fragilité au contrat d’assurance-vie.

Elève avocat

Fort de son expérience et de son dévouement, le cabinet MATHIEU-DABOT & Associés propose une expertise adaptée à toute difficulté en matière successorale tant lors d’un contentieux qu’à l’occasion de conseils.

Partager cet article

LinkedIn
Twitter
Facebook
WhatsApp